L’obtention d’un prêt immobilier ou à la consommation est souvent conditionnée à la souscription d’une assurance emprunteur. Cette couverture protège la banque en cas de décès, de perte totale et irréversible d’autonomie (PTIA), d’incapacité temporaire totale de travail (ITT) ou d’invalidité permanente totale (IPT) de l’emprunteur. Pour les personnes atteintes de maladies génétiques, l’accès à cette assurance peut s’avérer complexe, les compagnies d’assurance considérant ces pathologies comme des risques aggravés.
Cette situation soulève une question cruciale : comment garantir le droit à l’accès au crédit, un droit fondamental, tout en permettant aux assureurs de gérer les risques liés à la santé ? Nous aborderons le rôle de la convention AERAS, l’impact de la loi Lemoine, et les pistes d’amélioration pour une assurance plus juste et inclusive.
L’importance de l’assurance emprunteur
L’assurance emprunteur, bien que parfois perçue comme une simple formalité, joue un rôle essentiel dans la sécurisation d’un emprunt. Elle protège à la fois l’organisme prêteur et l’emprunteur et ses proches. En cas de décès, par exemple, l’assurance prend en charge le remboursement du capital restant dû, évitant à la famille de l’emprunteur de se retrouver endettée. Les garanties PTIA, ITT et IPT offrent une sécurité financière en cas d’invalidité ou d’incapacité de travail, permettant à l’emprunteur de faire face aux dépenses courantes malgré une perte de revenus. Un refus de couverture ou l’exclusion de certaines garanties peuvent avoir des conséquences dramatiques, compromettant l’accès au crédit et la stabilité financière des individus concernés.
Couvertures essentielles de l’assurance emprunteur
- Décès : Remboursement du capital restant dû en cas de décès de l’emprunteur.
- PTIA (Perte Totale et Irréversible d’Autonomie) : Remboursement du capital restant dû en cas de perte d’autonomie totale et irréversible.
- ITT (Incapacité Temporaire Totale) : Prise en charge des mensualités pendant la période d’incapacité temporaire de travail.
- IPT (Invalidité Permanente Totale) : Prise en charge d’une partie des mensualités ou du capital restant dû en cas d’invalidité permanente totale.
Les maladies génétiques : un enjeu majeur pour les assureurs
Les maladies génétiques constituent un ensemble hétérogène d’affections résultant d’anomalies dans le matériel génétique d’un individu. Elles peuvent être transmises héréditairement ou survenir de novo (nouvelle mutation). Leur diversité est immense, allant de maladies rares affectant quelques personnes à des maladies plus fréquentes touchant des milliers d’individus. Les assureurs appréhendent ces maladies comme un risque en raison de leur complexité, de leur évolutivité souvent imprévisible et du risque de complications à long terme. Selon Orphanet, le portail des maladies rares, environ 3 millions de personnes sont touchées par une maladie rare en France, dont une part importante est d’origine génétique.
Pourquoi les maladies génétiques sont-elles considérées comme un risque aggravé ?
- Complexité du diagnostic et du pronostic, souvent difficile à établir avec certitude.
- Évolutivité imprévisible de la maladie, avec des complications potentielles sur le long terme.
- Risque de complications à long terme nécessitant des soins et des traitements coûteux.
- Difficulté à évaluer l’impact sur l’espérance de vie et la capacité de travail, éléments clés pour le calcul du risque par les assureurs.
Un exemple concret de maladie génétique fréquente impactant l’assurance prêt est la mucoviscidose. Selon Vaincre la Mucoviscidose, cette maladie affecte environ 1 naissance sur 4700 en France, et se caractérise par une atteinte des voies respiratoires et du système digestif. Les personnes atteintes de mucoviscidose peuvent rencontrer des difficultés à obtenir une assurance prêt en raison du risque de complications respiratoires et de la nécessité de traitements coûteux. De même, la maladie de Huntington, une maladie neurodégénérative héréditaire, peut être un obstacle à l’assurance prêt en raison de son évolution progressive et de son impact sur les capacités cognitives et motrices.
Le questionnaire de santé : un passage délicat
Le questionnaire de santé est l’outil principal utilisé par les assureurs pour évaluer les risques liés à la santé de l’emprunteur. Il contient une série de questions portant sur les antécédents médicaux personnels et familiaux, les traitements en cours, et les habitudes de vie. Les questions posées sur les antécédents familiaux sont particulièrement problématiques pour les personnes atteintes de maladies génétiques, car elles peuvent révéler un risque de transmission de la maladie à la descendance. Le risque de non-divulgation, volontaire ou involontaire, peut entraîner la nullité du contrat d’assurance, avec des conséquences financières désastreuses en cas de sinistre.
Difficultés liées au questionnaire de santé
- Questions intrusives et parfois difficiles à comprendre pour les non-médecins.
- Nécessité de divulguer des informations personnelles sensibles, créant une vulnérabilité.
- Risque de non-divulgation involontaire ou interprétation erronée des questions, pouvant mener à la nullité du contrat.
- Difficulté à évaluer l’impact réel des antécédents familiaux sur le risque individuel.
Les surprimes et les exclusions de garanties : un accès limité et onéreux
Lorsque l’assureur considère que le risque lié à la santé de l’emprunteur est élevé, il peut appliquer une surprime, c’est-à-dire une augmentation du montant de la prime d’assurance. Les surprimes peuvent être importantes, augmentant considérablement le coût du crédit et rendant l’accès à la propriété plus difficile. Dans certains cas, l’assureur peut également exclure certaines garanties, ce qui signifie que l’emprunteur ne sera pas couvert en cas de sinistre lié à sa maladie génétique. Ces exclusions réduisent la protection offerte par l’assurance et augmentent le risque financier pour l’emprunteur.
Exemple de surprimes appliquées
Le tableau ci-dessous illustre les surprimes annuelles estimées pour une personne de 35 ans empruntant 200 000 euros sur 20 ans, en fonction de la maladie génétique :
Maladie Génétique | Surprime annuelle estimée |
---|---|
Mucoviscidose (stable, sans complications majeures) | 500 – 1500 € |
Maladie de Huntington (début de la maladie, sans troubles moteurs importants) | 1000 – 3000 € |
La convention AERAS : une avancée, mais des limites subsistent
La convention AERAS (S’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) a été mise en place pour faciliter l’accès à l’assurance prêt aux personnes présentant un risque de santé aggravé, y compris celles atteintes de maladies génétiques. Elle permet aux personnes ne pouvant pas s’assurer aux conditions standard de bénéficier d’une assurance, sous certaines conditions. Cependant, la convention AERAS présente des limites : les critères d’éligibilité sont stricts, les plafonds de revenus et de montants empruntés sont souvent trop bas, et les délais de réponse peuvent être longs. De plus, certaines maladies génétiques ne sont pas prises en charge par la convention AERAS, ou ne le sont que sous certaines conditions. Elle demeure perfectible mais représente une solution pour certains.
Points faibles de la convention AERAS
- Complexité administrative, rendant le processus difficile à appréhender pour les non-initiés.
- Manque de transparence, notamment concernant les critères d’évaluation des dossiers.
- Lenteur des procédures, avec des délais de réponse pouvant être incompatibles avec les impératifs de l’acquisition immobilière.
- Plafonds de revenus et de montants empruntés trop restrictifs, excluant une partie des personnes concernées.
- Exclusion de certaines maladies génétiques ou prise en charge limitée, laissant des personnes sans solution.
Discrimination génétique : un risque à ne pas négliger
La discrimination génétique se définit comme le fait de traiter différemment une personne en raison de ses caractéristiques génétiques. Cette discrimination peut se manifester dans différents domaines, dont l’accès à l’assurance, à l’emploi, ou aux soins de santé. La connaissance des résultats de tests génétiques peut influencer l’évaluation des risques par les assureurs, conduisant à des refus de couverture, des surprimes, ou des exclusions de garanties. Il est donc essentiel de garantir le respect de la vie privée et la confidentialité des données génétiques, encadrés par la loi.
Cadre légal contre la discrimination génétique
Plusieurs textes législatifs visent à protéger les individus contre la discrimination génétique :
Pays/Région | Législation | Portée |
---|---|---|
France | Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé | Interdit de manière générale la discrimination fondée sur des caractéristiques génétiques. |
Union Européenne | Directive 2004/23/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à l’établissement de normes de qualité et de sécurité pour le don, l’obtention, le contrôle, la transformation, la conservation, le stockage et la distribution des tissus et cellules humains | Contient des dispositions relatives à la protection des données génétiques. |
L’information et l’accompagnement : des alliés précieux
Face aux défis rencontrés, l’information et l’accompagnement sont des outils essentiels pour les personnes atteintes de maladies génétiques. Il est important de s’informer sur ses droits et les obligations des assureurs, de connaître les dispositifs existants (comme la convention AERAS), et de se faire accompagner par des professionnels. Les associations de patients jouent un rôle crucial dans l’accompagnement et le soutien des personnes concernées, en leur fournissant des informations, des conseils, et un soutien moral. Consulter un courtier en assurance spécialisé dans les risques aggravés de santé peut également être bénéfique, car il pourra aider à trouver les meilleures offres d’assurance adaptées à la situation de chacun et négocier les conditions.
Ressources pour s’informer et se faire accompagner
- Associations de patients : AFM-Téléthon, Vaincre la Mucoviscidose, Alliance Maladies Rares.
- Courtiers en assurance spécialisés dans les risques aggravés de santé, capables de conseiller et de négocier avec les assureurs.
- Sites d’information juridique : Service-Public.fr, Legifrance.gouv.fr, offrant des informations sur les droits des patients et la législation en matière d’assurance.
Mutualisation des risques : une voie vers plus d’équité pour l’assurance prêt maladie génétique
La mutualisation des risques consiste à répartir les risques entre un grand nombre de personnes, afin de réduire l’impact financier pour chacun. Cette approche pourrait être une solution intéressante pour améliorer l’accès à l’assurance prêt pour les personnes atteintes de maladies génétiques. En développant des assurances collectives et des fonds de garantie, il serait possible de mutualiser les risques et de réduire les surprimes et les exclusions de garanties. Un modèle de mutualisation innovant, basé sur la contribution solidaire de l’ensemble des assurés, permettrait de garantir un accès plus équitable à l’assurance emprunteur et de favoriser l’inclusion financière des personnes concernées. Cette approche permettrait une meilleure gestion des risques liés aux maladies génétiques, avec une diminution des inégalités.
Les avancées médicales : un impact positif sur l’assurance emprunteur et maladie héréditaire
Les progrès de la recherche médicale, notamment dans le domaine des thérapies géniques et des traitements ciblés, offrent de nouvelles perspectives pour le traitement des maladies génétiques. Ces avancées peuvent améliorer le pronostic des maladies, réduire les risques de complications, et, par conséquent, diminuer les risques pour les assureurs. Il est donc essentiel que les compagnies d’assurance mettent à jour leurs connaissances médicales et prennent en compte les nouvelles thérapies dans leur évaluation des risques. Cette évolution pourrait à terme conduire à une réduction des surprimes et des exclusions de garanties, facilitant ainsi l’accès à l’assurance pour les personnes atteintes de maladies génétiques. L’amélioration de la qualité de vie grâce à ces traitements influe positivement sur l’évaluation du risque.
La loi lemoine et ses conséquences sur l’assurance prêt
La loi Lemoine, entrée en vigueur en 2022, a marqué une avancée significative en matière d’accès à l’assurance emprunteur. Elle permet notamment de changer d’assurance emprunteur à tout moment et supprime le questionnaire de santé pour les prêts immobiliers dont l’encours assuré est inférieur à 200 000 euros et dont l’échéance arrive avant le 60e anniversaire de l’emprunteur. Pour les personnes atteintes de certaines maladies génétiques, cela représente une simplification considérable. Toutefois, cette mesure ne concerne pas tous les prêts, et de nombreux emprunteurs restent soumis au questionnaire de santé et aux difficultés qui en découlent. La loi Lemoine reste une avancée, mais des efforts restent à fournir.
Limites de la loi lemoine en matière d’assurance prêt
- Ne concerne pas tous les prêts : les prêts supérieurs à 200 000 euros ou dont l’échéance dépasse le 60e anniversaire de l’emprunteur restent soumis au questionnaire de santé.
- N’élimine pas totalement les discriminations : même sans questionnaire de santé, les assureurs peuvent se baser sur d’autres critères pour évaluer le risque.
- Nécessite une réforme plus profonde pour une inclusion totale : des mesures complémentaires sont nécessaires pour garantir un accès équitable à l’assurance pour toutes les personnes atteintes de maladies génétiques.
Vers une assurance prêt plus juste : un enjeu de société
L’amélioration de l’accès à l’assurance emprunteur pour les personnes atteintes de maladies génétiques passe par une évolution de la législation et des pratiques. Il est essentiel de sensibiliser et de former les acteurs de l’assurance aux spécificités des maladies génétiques, et de promouvoir un dialogue constructif entre les associations de patients, les assureurs et les pouvoirs publics. Un amendement législatif spécifique visant à renforcer la protection des personnes atteintes de maladies génétiques en matière d’assurance prêt pourrait être envisagé. En fin de compte, il s’agit d’un enjeu sociétal pour l’inclusion et l’accès au crédit, qui nécessite un engagement collectif pour garantir une égalité des chances. Les associations de patients sont particulièrement actives dans ce domaine et jouent un rôle essentiel.
Un impératif : l’inclusion et l’accès au crédit pour tous
Il est impératif d’œuvrer pour une assurance prêt plus juste et inclusive, où les personnes atteintes de maladies génétiques ne soient plus confrontées à des obstacles insurmontables. En informant, accompagnant, mutualisant les risques, et en tenant compte des progrès de la médecine, il est possible de concilier le droit à l’assurance et la gestion des risques, et de garantir à tous un accès équitable au crédit. C’est un enjeu majeur pour notre société, qui nécessite un engagement fort de tous les acteurs concernés pour construire un avenir plus inclusif et solidaire. L’information du public est aussi une étape essentielle, afin de sensibiliser et de lutter contre les discriminations.